jeudi 31 janvier 2008

Cancer du cerveau, on ne connait pas ses causes, mais on connait ses effets...




J'ai appris très récemment que l'un de mes amis était atteint du cancer du cerveau. Il s'appelle Alain, et il a un fils de 6 ans. Quand j'ai vu ce petit film ci-dessus, je n'ai pas pu faire autrement que de penser à lui... et d'avoir les yeux qui se mouillent.

Je ne sais pas si j'aurais réagi de la même manière si la maladie ne touchait pas un de mes proches, et que je ne me sente directement touché, mais quelque chose me dit que cette vidéo est puissante, car le message est clair: on se met à la place de cette femme, on vit sa douleur, physique et surtout psychologique, on partage son impuissance et sa fragilité.

Bref, loin du shockvertising, c'est pour moi une pub intelligente, au ton juste et approprié... qui touche exactement là où ca fait mal: en plein coeur! Bravo à la Fondation australienne Cure for life pour ce spot, et je lève mon chapeau à leur agence DDB Sydney.

Via

mardi 29 janvier 2008

Si vous aviez l'attention de la planète entière que lui raconteriez-vous?



Quel message adresser à l'humanité? Le 10 mai 2008, où que nous habitions, nous aurons la réponse à cette question très concrète, grâce à l'initiative pangeaday.org. Ce site, et la question à laquelle il souhaite répondre, est une initiative de la photographe-cinéaste-reporter Jehane Noujaim. Le 10 mai 2008, un choix de 4 heures de film, musique et entrevues seront diffusées simultanément sur la planète entière à des millions de spectateurs, à qui l'on donnera les moyens par la suite de créer une communauté virtuelle afin de partager et de mettre en oeuvre leur vision du monde.

Vous pouvez écouter Jehane décrire son initiative elle-même (en anglais et avec beaucoup d'émotion) lors du grand prix des conférence TED. D'ailleurs, pour ceux qui ne connaissent pas les conférence TED (et qui comprennent l'anglais) allez y écouter les penseurs les plus brillants de notre époque et mettez le site dans votre agrégateur car une nouvelle vidéo sort chaque les semaines. Depuis que j'ai découvert ce site, je ne regarde quasiment plus la TV le soir... Si vous êtes intéressés par l'architecture, écoutez Frank Gehry , si vous voulez juste vous marrer, écoutez Yossi Vardisi et pour la philanthropie (quand même!), écoutez (notamment) Bill Clinton. Moi qui suis mordu de plongée sous-marine, j'ai trouvé une conférence qui m'a montré des trucs que je n'aurais jamais pensé voir sous l'eau avec David Gallo. Bref, un site incroyable.
Mais je digresse...

J'en reviens à Jehane Noujaim, et son idée de rassembler les peuples, de leur faire partager, ressentir et donc comprendre les émotions des peuples voisins. Si on se comprend, on pourra certes ne pas être d'accord, mais on devrait pouvoir en discuter sans se taper dessus... Moi je trouve que c'est un beau rève de mettre la planète entière dans un cinéma géant et de lui montrer un long film, tourné par ses habitants. Chacun peut soumettre son film sur le site avant le 15 février, c'est ouvert à tous les habitants du monde. Il suffit de faire en sorte que notre histoire soit touchante. (Facile à dire hein?).

Vous tourneriez quoi vous comme film? Vous essaieriez de faire rire ou de faire pleurer? Ca serait une fiction, une animation, un long plan séquence de vous-même en train de vous raser minutieusement avec une machette? Un accouchement? Un enterrement selon un rituel Bambara? Ca peut aussi être tout simple, comme ce fondu qui se filmait en train de danser devant tous les monuments les plus célèbres de la planète. Sa vidéo (where the hell is matt?) a fait le tour du monde plusieurs fois: c'est qu'il a su toucher le monde. Plus récemment il y a eu la vidéo de ce bébé au rire communicatif que j'ai reçu au moins 12 fois sur Facebook et qui fait partie de la liste des plus regardées de tous les temps sur youtube (plus de 35 millions de fois au moment où j'écris).

J'ai hâte au 10 Mai prochain pour voir ce recueil de films. Le site pangeaday vous permet de trouver une salle près de chez vous, ou même de créer le lieu de diffusion dans votre ville s'il n'y en a pas encore, (ou pas assez...). Ils ont aussi un groupe sur facebook et plusieurs ville ou pays participants ont également créé leur propre groupe comme Hong-Kong, Ottawa ou la France.
Je classe assurément cette initiative dans la philanthropie 2.0. Ca me rappelle un peu cet autre site du célébrissime yann Arthus-Bertrand: 6 milliards d'autres .


Il a lui aussi parcouru la planète pour ramener des photos et des histoires de gens vivant un peu partout sur la planète. Un site très humain, humaniste même, et qui incite aussi à la compréhension mutuelle des peuples en montrant l'universalité de l'humain. Le site va également s'ouvrir aux témoignages des internautes. Pourtant le site de yann Arthus-Bertrand me semble d'abord l'oeuvre d'un artiste alors que Pangeaday est à la base une œuvre collective et rassembleuse appelant la participation de tous en tant que messagers.
Alors, vous, quel serait votre message? J'aimerais bien envoyer un message-film de la part de la Fontaine de pierres. Qui embarque avec moi? On filme quoi?

samedi 26 janvier 2008

Rambo, un philanthrope? Et puis quoi encore!



Amateurs du septième art, tenez vous bien car pour sa dernière croisade, le vétéran de la Guerre du Vietnam John Rambo part cette fois en mission humanitaire!

Oui oui, vous avez bien lu, Rambo, qui se la coulait douce sous les palmiers de la Thailande où il a élu domicile, est convaincu par une ONG d'aller délivrer ses membres retenus en otages par la trés méchante junte Birmane. Tous les prétextes sont bons pour ressusciter un héros du box office mais quand même...

D'un coté je suis heureux de voir que l'humanitaire a la côte au point de séduire un Rambo, mais d'un autre coté, je ne vois vraiment pas comment concilier la philanthropie avec le fait d'assassiner sauvagement plus de monde que l'on ne saurait en compter, (même si Rambo n'est pas d'abord connu pour ses habiletés mathématiques!!)

Pour les amateurs d'hémoglobine et d'effets spéciaux "juteux", allez voir la bande-annonce ici. Édifiant.

Pour la peine, je vais vous raconter la fin, je sais, ca ne se fait pas, mais vous n'êtes pas obligés de lire...
Alors voilà, parce que le scénario est très puissant, d'une symbolique trés élaborée et que la psychologie du personnage est évidemment centrale dans ce genre de films, sachez que non seulement Rambo s'en sortira vivant, mais qu'en plus il finira par rentrer chez lui... aux Etats Unis. Home sweet home finalement. On imagine (et on l'espère pour l'humanité) qu'il y passera une retraite sereine, et définitive.

mercredi 23 janvier 2008

Une heure avec Adriana Karembeu?




Je viens de recevoir cette proposition qui ne saurait laisser indifférent...
Adriana karembeu, le célèbre mannequin dont on dit qu'elle aurait les jambes les plus longues du monde est la porte parole de la Croix Rouge francaise.

Cette année, en tant que webbénévole, ma première mission de 2008 est de promouvoir le site "juste une heure" grâce auquel les internautes peuvent choisir d'offrir une heure (de leur salaire) à la Croix rouge. Le site dispose aussi d'un widget pour calculer l'équivalent d'une heure de notre salaire et permettre le don en ligne.

Chacun a une idée précise de ce qu'il ferait avec une heure de salaire (1 ou 2 places de ciné, des livres, de la musique...) mais pour la croix rouge, ca peut correspondre à une nuit en centre d'hébergement d'urgence, ou même à une semaine de repas chauds pour un sans-abri. En prendre conscience fait déjà relativiser.

J'aime beaucoup ce virage web 2.0 que prend la Croix Rouge depuis quelques temps: implication de la blogosphère et des réseaux sociaux, mise à disposition d'outils (bannières, widgets, lien sur facebook, et vidéo online), et explications détaillée sur le site des possibilités non seulement de donner, mais aussi de devenir ambassadeur de la cause. Ca marche, la preuve.

J'ai peut-être juste une réserve: je me demande dans quelle mesure cette campagne un peu provoc touchera positivement la moitié féminine de la population... Les filles, vous en pensez quoi?

lundi 21 janvier 2008

Efficaces les parco-dons?

L'été dernier déjà, j'évoquais le phénomène des parco-dons implantés à Montréal par la mairie au profit de l'organisme Itinéraire, luttant contre l'itinérance et les sans-abris.

Je trouvais l'idée excellente mais je m'interrogeais sur son efficacité. Depuis, des lecteurs ont laissé des commentaires critiquant cette idée, et le directeur de l'Itinétraire à laissé un commentaire sur les résultats de l'opération: en moyenne chacun de nos parco-dons récolterait 20$ par jour, ce qui me parait un résultat fantastique, 15 fois supérieur à ce qui se fait ailleurs.
Tout ceci m'a incité à faire d'autres recherches sur les parco-dons.

Les parco-dons semblent initialement apparaitre à Baltimore en 2006. Ils y sont gris et bleu, et lorsqu'on insère une pièce, la flèche passe de desespoir (despair) à espoir (hope)

Selon cet article, les montants perçus ne sont pas aussi importants que l'image qu'ils véhiculent pour la population: elle sensibilise et surtout éduque la population locale aux problèmes de pauvreté auxquels fait face la municipalité. Le USA today confirme dans cet article que Baltimore ne perçoit qu'environ 100$/mois pour tous ses parco-dons, ce qui me parait fidèle à mes observations de faible utilisation de ces machines que je mentionnais dans mon billet précédant..

Mais la ville américaine le plus en avance à la fois pour les parco-dons et pour la lute contre la pauvreté serait Denver dans le Colorado. Dans un avion l'été dernier, je suis tombé sur cet excellent article du Toronto star qui fait le tour de la question. Le parcomètre rouge de Denver indique à quoi servira notre petite monnaie: pour 50 cents, vous aidez un sans-abri à utiliser le transport en commun pour se rendre à un rendez-vous. Pour $1,50 vous lui offrez un repas. Et pour $20 vous lui permettez de couvrir tous les frais de logement, nourriture, vêtements, et assurance emploi pour toute sa famille durant une journée entière. Là on parle! Là je prends conscience de l'importance de mon geste!

Car les sommes perçues par Denver, qui fait office de précurseur dans la lutte à l'itinérance, sont intégralement reversées au programme municipal de lutte contre la pauvreté. Un ambitieux projet que le maire a mis au point et qui part d'un constat d'une étonnante simplicité: puisque le problème des sans-abris est qu'ils n'ont pas de logement, donnons leur un logement et nous aurons règlé le problème... durablement. Il a aussi fait le calcul que de construire des logements pour les sans-abris (première étape de leur réinsertion) reviendrait moins cher que de les laisser dehors et de payer les frais d'abris d'urgence, de soins médicaux, de désintoxication et d'incarcération. Il économise même 1,5 million de dollar par an en logeant les sans-abris.

Ayant fait ce rapide calcul, le maire a décidé de construire et d'ainsi supprimer l'itinérance de 75% en 5 ans. Voilà ce que j'appelle un programme: des objectifs clairs, quantifiables et mesurables. Les parco-dons ne sont qu'un élément de cette politique globale et courageuse. Selon les chiffres que j'ai trouvé, Denver n'aurait récolté que $8840 de ses parco-don durant les 6 premiers mois de l'opération, soit moins de 1500$ par mois au total, soit près de 40$ par parcomètre et par mois (pour 36 parcomètres mis en services). D'où ma surprise des résultats de 20$ par jour de Montréal.

De plus, les sommes de Denver ne comptent pas le fait que chaque parco-dons est également adopté par un commercants, pour 1000$ par an, ce qui en augmente d'autant plus les revenus. On peut se douter que ce commerçant est un excellent ambassadeur de la cause municipale. Le succés est tel que les policiers craignent un exode de tous les sans-abris du pays vers leur ville. En effet, une étude citée par le USA today montre que la ville a déjà logé 300 familles de manière permanente (soit 1000 personnes), et que 83% y restent toujours un an plus tard.

D'autres villes semblent interessées par ce type d'action, comme Toronto, ou Las Végas. Et je persiste à penser que Montréal pourrait encore améliorer sa performance déjà notable, notamment par l'implantation du système d'adoption. Étrangement, je n'ai trouvé aucune initiative similaire en Europe ou en Asie, je serai curieux de savoir comment performe ce système ailleurs dans le monde...

mardi 15 janvier 2008

Prédictions d'experts sur l'avenir de la philanthropie

En ce début d'année, plutôt que de me prêter seul au jeu des prédictions, j'ai demandé à des amis du monde de la philanthropie de prendre la parole sur mon blogue. Je leur ai demandé de se prononcer sur leurs trois tendances philanthropiques qui marqueront 2008. J'ai emprunté cette idée à Paolo Ferrara, la référence du marketing sociétal italien, qui m'avait demandé mes propres prédictions pour son blogue. Je suis enchanté de voir que ma proposition ait remporté une telle adhésion.

Ce billet d'experts est pour moi le signe d'une plus grande coopération, au niveau international, sur les questions philanthropiques. Il illustre aussi incroyablement bien la beauté et le pouvoir à la fois de la blogosphère et de la philanthropie 2.0.

Mon panel d'experts était composé de:
- Paolo Ferrara, Italie, Directeur communications pour Terres de hommes et éminent blogueur sur campagne socialii et fundraising 2.0
- Antoine Vaccarro
, France, Président du Centre d'Études et de Recherches sur la Philanthropiques (CERPHI) et blogueur-fondateur de philanthropes.net
- Marc Van Gurp, Pays bas, fondateur du site culte osocio
- Kivi Leroux Miller, US, consultante en marketing pour les ONG et blogueuse sur nonprofitmarketingguide
- Kevin Lee, US, blogueur sur le marketing par moteurs de recherche
- Frédéric Bardeau, de Trilogicom, et blogueur sur les communications interactives et sociétales

Je les remercie tous vivement de leur texte, et j'espère que d'autres participations croisées auront lieu sur nos blogues respectifs.
NOTA: j'ai traduit moi-même les articles qui ne me sont pas parvenus en francais, les lourdeurs dans le style seraient les miennes, non celles de mes invités.


Paolo Ferrara, de campagnesocialii et fundraising 2.0. J'emprunte ses 3 tendances de 2008 à cet article de son blogue qu'il m'a autorisé à traduire en francais. C'est lui qui est à l'origine de ce billet, et d'autres analystes ont répondu à la même question sur son propre site, ici, en italien et en anglais.
  1. Les sites d'ONG respecteront de plus en plus les standards d'utilisabilité, de marketing et de web 2.0 (RSS, formulaires de donations online, email newsletter...). Les stratégies internet des organismes caritatifs insisteront aussi plus sur la notion d'engagement, et intègreront plus d'outils destinés aux réseaux sociaux et aux téléphones cellulaires.
  2. 2008 sera l'année du marketing viral. Les organismes utiliseront de plus en plus des services tels que youtube. L'Italie commencera à utiliser les widgets et assistera à la tendance de levée de fonds personnalisées (sans pourtant atteindre les succés américains en la matière).
  3. Les donations online augmenteront, notamment grâce au succès des plateformes de dons virtuels . Les nouvelles technologies vont permettre aux ONG de réduire la distance entre donateurs et les bénéficiaires, ce qui renforcera le lien entre l'organisme et ses donateurs.
***

Antoine Vaccaro du CERPHI et de philanthropes.net dépasse largement le cadre des trois tendances de 2008 pour nous livrer dans le texte ci-dessous une brillante réflexion sur la philanthropie, nourrie aux sources de l'histoire, de l'économie et de l'actualité.

"Un avenir radieux pour la philanthropie"

Pour essayer de se projeter dans les 20 prochaines années, il n’est pas inutile de faire un peu d’histoire. La création de la Fondation de France en 1969, peut être considérée comme l'événement inaugural de l'entrée dans le monde moderne de la philanthropie en France. Accompagnant la vague de la générosité de masse, le mécénat redevient une valeur positive et non plus suspecte.

Au coté de millions de donateurs charitables qui réhabilitent, par leur mobilisation, la prise en charge de l'intérêt général par la société civile, le donateur philanthropique va se frayer un chemin entre l'action de l'Etat providence et tous les organismes paritaires chargés de porter l'intérêt général.

Dans une certaine discrétion toutefois, car l'enrichissement en France n'a jamais eu bonne presse et ces premières années de la Fondation de France évoluent sur fond de lutte des classes non encore évacuée du débat politique et syndical.
L'autre caractéristique de cette nouvelle philanthropie, c'est la part qui est faite à l'intervention de la grande entreprise, souvent publique, dans cet univers. C'est ici que le modèle français se distingue du modèle anglo-saxon. Une grande partie de ce que les Français pensent être de la philanthropie est en fait du mécénat d'entreprise. Ce n'est pas une mince distinction. Lorsque Mrs Ford, Rockefeller, Bill Gates ou W Buffet font œuvre philanthropique, ils l'ont fait ou il le font à titre privé, avec leur argent, obtenu de leur entreprise certes, mais pour lesquels ils ont payés impôts et taxes. Alors les patrons de Elf et du Crédit Lyonnais faisaient de la "philanthropie", avec l'argent de leur entreprise !

Il s'agit ici de distinguer ce qui est du mécénat, avec les contreparties d'image, de réputation, voire marketing qui peuvent en être attendues et ce qui est de la philanthropie.

Le philanthrope agit avec ses moyens en se dépossédant, en abandonnant tout ou partie de sa richesse, en échange de l'acquisition d'un pouvoir symbolique qui peut se traduire par de la reconnaissance sociale, voire par de la simple satisfaction morale. Ces questions ne sont pas du ressort de l'entreprise, même si ceux qui les dirigent sont des hommes et des femmes, et non des entités.

Cette confusion a été entretenue, en France par les partisans du tout Etat, laissant entendre que le philanthrope est un pilleur d'entreprise qui assouvit ses caprices en finançant des "danseuses" aux dépens de ses salariés.

Cette friction sur la façon de penser l'intérêt général va marquer la résurgence de la philanthropie. Son retour dans ses habits neufs, sonnent, pour certains l'échec de l'Etat providence pour d'autres le retour des inégalités sociales, car la philanthropie est étroitement liée à l'enrichissement et à la volonté de dépense en pure perte, concept inaudible par les tenants de la dictature de la production.
Pour ces derniers, l'indice de philanthropie pourrait être corrélé avec le niveau d'inégalités ou le creusement des écarts entre les riches et les pauvres.
On pourrait montrer au contraire que plus le taux de philanthropie est important et plus la société est opulente.

C'est au moment du passage de témoin entre la domination de la production à celle de la distribution dont le client est roi, les années 78-80, que renait en France la philanthropie. Car le passage de l'imperium de la production à celui de la dépense, est le moment inéluctable de la dépense improductive du trop plein d'énergie.

Cette renaissance est liée aussi à une certaine incapacité de l'Etat Providence, détenteur à l’époque d'une grande partie de l'appareil de production et grand re-distributeur central de l'accumulation, à étendre sa couverture sur tous les citoyens, et surtout ceux déclassés par ce changement de paradigme.

Paradigme qui va changer en raison du développement des moyens de communication, déplaçant et éloignant les moyens de production, qui concurrencent et rendent obsolètes les moyens de production étatisée.

Le centre du monde et le pouvoir se sont déplacés dans cette période vers les gens de dépenses: médias, marqueteurs, publicitaires, distributeurs. Et ce mouvement s'est fantastiquement accéléré depuis 20 ans avec la convergence numérique des moyens de communication, au point de parler désormais d'économie de l'immatériel.

Le cycle de domination a été transféré de la production (phase d'accumulation) à la consommation, (phase de dépense) annonçant la fin de la dictature du prolétariat. Mais la dictature du consommateur à peine imposée depuis l'après guerre que déjà le pouvoir se déplace vers l'actionnaire annonçant la victoire renouvelée du capitalisme. Car n'oublions pas que le capitalisme est avant tout investissement.

Les fortunes qui se constituent grâce à cette nouvelle mutation n'ont rien de commun avec celles du passé. Effets de la mondialisation aidant, croissance et financiarisation de l’économie aboutissent à une nouvelle domination de l'actionnariat liée, en grande partie, au vieillissement de la population des pays riches, principale détentrices des patrimoines et préoccupée avant tout d'assurer sa rente qui favorise ainsi une nouvelle ère d'accumulation, sans doute encore jamais égalée. Jamais encore le système économique n'a été autant mondialisé que depuis la chute du mur de Berlin, aboutissant à la constitution de richesse entre les mains d'individus qui ne sont pas sans rappeler : Laurent de Médicis, Rockefeller, Vanderblitt et aujourd'hui Bill Gates.

On compare d'ailleurs la fortune du "Magnifique" avec celle du patron de Microsoft.

Arrêtons nous un instant sur cette comparaison.

Qu'est-ce qui rend si semblables ces deux personnages ?

L'histoire n'est pas encore totalement écrite pour Bill Gates, alors que nous connaissons celle du "Magnifique". Il côtoya et encouragea les plus grands artistes et lettrés de son temps. Les lister donne le vertige : Michel-Ange, Léonard de Vinci, Botticelli, Pic de la Mirandole… Mais, immense mécène, Laurent de Médicis se révéla être un piètre homme d'affaires, car s'il ne finit pas ruiné, il dilapida dans des affaires hasardeuses l'argent de la banque fondée par son grand-père Cosme. Il mourra à 43 ans, un âge déjà avancé pour l'époque, l'année de la découverte du Nouveau monde, qui portera le nom de son ami Amerigo Vespucci. Déjà la mondialisation.
Il laissera trois héritiers, trois fils : dont Pierre, le grand-père de Catherine de Médicis, et Jean, qui deviendra pape sous le nom de Léon X. Belle descendance !

Bill Gates, depuis cette même Amérique, un demi millénaire plus tard, a fait fortune en investissant son talent dans la révolution informatique qui a transformé notre société à la fin du 20e siècle. Capitaine d'industrie d'exception, servi par une nouvelle forme de mondialisation, les outils qu'a développés sa firme équipent 9 ordinateurs sur 10 et ne cessent d'imposer leur monopole.

Au sommet de sa réussite personnelle et fortune faite (et quelle fortune !), notre quinqua décide de lâcher le pouvoir pour se consacrer à ses "œuvres". Non sans avoir déshérité partiellement ses enfants. Autres temps, autres mœurs.

Comme Laurent de Médicis, Bill Gates est un capitaine… un capitaine d'industrie. Son champ de bataille : les marchés, la concurrence, la Bourse…

Foin d'angélisme, on ne devient pas numéro 1 mondial sans avoir blessé, sans avoir tué professionnellement des opposants ou sans avoir absorbé tel ou tel concurrent et, dans bien des cas, en faisant fi des règlementations anti-monopole et positions dominantes.

Mais face à cet itinéraire de vif-argent, ce capitaine d'industrie est assez magnanime pour convertir ses milliards de dollars en programmes d'aide aux victimes de la plus grande tragédie humaine, le sida.

Misanthrope d'un côté, philanthrope de l'autre, la ressemblance avec Laurent de Médicis n'est-elle pas troublante ?

L'emperium de l'un, catholique, est dynastique, celui de l'autre, protestant, découle d'une prédestination divine attestée par sa réussite sociale.

Le "Magnifique" a consumé sa fortune dans le mécénat artistique et a permis aux plus grands génies de son époque de rivaliser de chefs-d'œuvre. La munificence des princes de la Renaissance ne se préoccupait guère de la misère de leurs sujets. Ils nous ont laissé le patrimoine artistique le plus fabuleux de tous les temps.
L'américain a décidé de consacrer le patrimoine qu'il a amassé à une œuvre titanesque de bienfaisance. Mécénas pour l'un, Saint-François d'Assise pour l'autre !

La modernité de Bill Gates est toute dans ce choix.

Car la question qui est posée à notre société de plus en plus inégalitaire est plus que jamais celle de l'extrême pauvreté, dans un monde globalisé où plus rien ne peut être caché : de l'hyper luxe à la plus grande misère.

Car une telle accumulation appelle des destructions d'énergies en compensation aussi vertigineuses. Elles peuvent se faire par la guerre, on peut espérer qu'elles se feront par la philanthropie.

Le prochain point d'inflexion du renouveau philanthropique est à rapprocher de ce phénomène. Les derniers records battus par Bill Gates et Warren Buffet sont l'avant garde d'un mouvement plus vaste. Car comme l'exprimait G Bataille, la dépense ostentatoire suit toujours in fine le moment d'accumulation.

Cette ébullition est déjà perceptible et le nouvel intérêt des observateurs n'en est qu'une illustration supplémentaire.

Mais il ne peut exister de philanthropie si on ne peut constituer de fortune. Faut-il encore permettre cet enrichissement, car la philanthropie est co-subsantielle de l'inégalité. Cette même inégalité qui semble être le meilleur terreau de l’accomplissement des chefs d’œuvre éternels de l’humanité.

Antoine Vaccaro
Le 13 janvier 2008

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Marc van Gurp, fondateur d'osocio, aka houtlust

De petites choses peuvent aussi changer le monde

- Agir localement









La tendance majeure de cette année sera la résurrection du local pour plusieurs marchés. Dans cette ère de surinformation, nous désirons plus de connaissance et de contrôle sur les façons de faire et de penser qui nous entourent. Nous le voyons déjà dans l'industrie du détail par exemple: les supermarchés font une plus large place aux produits locaux. Les ONG vont agir de la même manière. Les levées de fonds et le partage de connaissance sur les ONG va devenir également plus local.

- Levée de fonds via les réseaux sociaux:










Les levées de fonds ne se feront plus seulement par les organisations elles-mêmes. Facebook nous montre le pouvoir des individus. L'application Causes de facebook par exemple permet à chacun de diffuser le message à tous ses amis. Plus remarquable encore est la technologie du widget utilisée par SixDegrees.org qui permet de créer sa propre cause sur n'importe quel sujet. Ces widgets sont réalisables en trois étapes faciles et sont prêts à être installés sur son propre site, ou ceux de nos proches. L'idée est de devenir soi-même un bailleur de fonds plutôt que de donner pour une cause créée par un autre.

- Micro-blogging









La tendance du micro-blogging, comme avec l'application Twitter par exemple. Il s'agit d'un service de réseau social gratuit qui permet aux utilisateurs d'envoyer des micro-textes (140 caractères) sur le site via un ordinateur ou un téléphone. Les "tweets" sont des gazouillis d'oiseaux. Les textes apparaissent sur la page de l'utilisateur et sont diffusés instantanément à tout ceux qui se sont inscrits pour recevoir ses messages. On peut aussi choisir de n'envoyer qu'à certains des membres de notre réseau.
Twitter peut s'utiliser pour toutes sortes de choses, notamment pour des activités de levée de fonds: la dernière que j'ai vu passer dans ma communauté twitter était pour les ordinateurs à 100$.
On peut aussi s'en servir comme d'une plateforme de brainstorm simple, rapide et spontané.
De nombreuses organisations ont mis en place cette technologies en 2007 et s'en sont servies dans des cas critiques comme avec les incendies en Californie en octobre dernier par exemple.
Un utilisateur notoire de Twitter aujourd'hui, dans la campagne présidentielle américaine, c'est Barack Obama.

- un point à améliorer en 2008
Ce que je remarque tous les jours en faisant des recherches pour Osocio est l'absence de stratégie de communication pour de nombreuses organisations caritatives. Quand je tombe sur une magnifique campagne, je vérifie toujours leur site web. Trop souvent la campagne n'est pas déclinée sur le site ou dans les autres médias.
Mon buzzword: campagnes intégrées - utiliser tous les médias possibles pour faire passer le message.
Marc van Gurp
Osocio
http://osocio.org

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Frédéric Bardeau, spécialiste en communication interactive et blogueur.

Voilà mes 3 chantiers 2008 pour la philanthropie en france :
1) du ROI avant tout chose
toutes les structures "nonprofit" n'ont pas encore intégré le fait que leurs opérations de collecte de fonds doivent s'autofinancer avant de générer du "profit" et c'est bien souvent uniquement sur le plan de la "communication" ou de "l'image" qu'elles sont jugées... dommage...

2) plus que des entreprises philanthropiques : des patrons philanthropes !
en France ce n'est pas comme en Amérique du Nord, les patrons gagnent des fortunes mais ne se sentent pas "obligés" de "rendre" à la société ce qu'elle leur a apporté, ils préfèrent créer des fondations d'art contemporain, créer des musées... à quand des bill gates, des warren buffet en France, vite j'espère !

3) une vraie structure de conseil pour la philanthropie !
et si il pouvait se créer un cabinet de consultants / une agence de communication spécialisée dans la philanthropie, comme l'économie marchande a ses "bain", ses "capgemini", pourquoi le non marchand n'aurait pas des structures équivalentes ? mais attention, pas d'andersen consulting...
Frederic Bardeau

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Kivi Leroux Miller
, de nonprofitmarketingguide
Je suis d'accord avec plusieurs des tendances données, mais il existe encore beaucoup d,ONG qui pensent que les widgets sont des choses fabriquées dans des usines. De nombreuses petites organisations ont encore du mal avec le web 1.o, qu'est-ce que ce sera avec le web 2.0. C'est pourquoi mes grandes tendances incluent des activités hors web.
- Une plus grande profesionnalisation de ce secteur, avec la reconnaissance que le fait de gérer un organisme sans but lucratif est un métier en soi nécessitant des compétences particulières, bien différentes de celles requises pour gérer une entreprise ou une agence gouvernementale.

- Sur la même lancée, un retour en arrière sur cette tendance qui veut aligner les pratiques du secteur sur celle du secteur privé américain. Certes les organisations sans but lucratif (OSBL) doivent agir de manière responsable et prendre des décisions d'affaires éclairées, mais tous les principes du secteur privé ne sont pas transposables.

- Une meilleure connaissance de la segmentation du public cible et des opérations de marketing et communication plus adaptées à ces segments. Par exemple, créer des newsletters différentes pour donateurs de celle de ses clients.

- Plus de volonté d'essayer de nouvelles méthodes de levée de fonds, notamment online.

- Plus de partage des idées et des réseaux entre les OSBL, en dépit de leur concurrence pour se partager le même montant total de dons.
Kivi LerouxMiller

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Kevin Lee, président de didit et blogueur sur le marketing par moteurs de recherche

1) Les OSBL les plus technologiquement avancés seront de plus en plus familiers avec les outils du web 2.0 comme les widgets et les gadgets afin d'aider leurs donateurs à montrer leur engagement. Bien que certains endroits trés branches tels que second Life soient pertinents pour les OSBL, le lien n'est as aussi évident qu'avec certains réseaux sociaux.
2) Vers la fin de l'année j'anticipe de nouvelles expérimentations de micro-paiement.
3) Internet et certaines nouvelles technologies vont aussi faciliter une plus grande coopération entre le secteur privé et le secteur sans but lucratif. Je travaille acuellement sur un prohet dans ce domaine. Malheureusement le fossé se creusera de plus en plus entre les organismes capables de jouer la carte de l'atout technologique et les autres.
Kevin Lee

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Et voilà! C'était mon dernier expert sur la question. Quelle richesse! La philanthropie 2.0 ne peut que bien se porter en 2008 avec autant de tendances à surveiller...
Beth kanter, gourou des réseaux sociaux et trés impliquée dans la philanthropie, nous donne encore plus de prédictions (en anglais) sur ce billet. Une autre consultante américaine de renom sur la philanthropie nous donne ses 10 prédictions 2008 ici. Si vous en voulez encore d'autres avant de partir, en voici d'ordre plus web-marketing cette fois, qui s'appliquent à la philanthropie sans pour autant y être exclusifs: la firme e-marketer a fait ses prédictions en deux temps ici et .
On s'en reparle l'année prochaine?
Et vous quelles seraient vos prédictions?
SD


Illustration: M.C. Escher: "Main tenant un miroir sphérique" 1935' via

mardi 8 janvier 2008

"Philanthropie 2.0": buzzword de 2007



Lucie Bernoltz, de l'excellent blogue américain Philanthropy 2173, a nommé la "philanthropie 2.0", (dont il est question sur la Fontaine de pierres), parmi ses buzzwords de l'année.

Le fait est que ce terme relativement nouveau en français, est un peu plus répandu aux États Unis, et que tout ce qui est "2.0" a connu une explosion en 2007. Pour le meilleur ou pour le pire, l'Histoire ne le dit pas encore...

Je fais en tous cas partie de ceux qui pensent qu'indépendamment de toute appellation à la mode, les nouvelles technologies, le poids des réseaux sociaux, et la demande d'interactivité sur internet, créent une révolution de la philanthropie telle que nous la connaissions. Des initiatives telles que Kiva par exemple, ont gagné leur popularité grâce à l'utilisation des technologies du web 2.0.

Les ONG et autres organismes caritatifs, (tout comme les compagnies à but lucratif d'ailleurs), se doivent d'en connaitre les nouvelles règles et de répondre aux attentes de la communauté des internautes. Le succès de ces organisations, et peut-être même leur survie, dépendra de leur capacité à intégrer ces nouvelles technologies.

Il est aussi probable que de nouveaux blogues sur la philanthropie fleurissent au cours de cette l'année, pour appuyer ce mouvement et faire que "philanthropie 2.0" passe du statut de buzzword à celui de terme largement répandu et communément accepté. L'avenir nous le dira.

vendredi 4 janvier 2008

Boule et Bill philanthropes


Je ne sais pas vous, mais moi je fais partie de cette génération dont l'enfance a été bercée par des BD comme Boule et Bill. C'est donc avec une petite pointe de nostalgie que je constate que mes deux héros sont devenus des supporters du WWF dans cet album "SOS planète".

Ce hors série réunit des planches d'albums précédant qui mettent toutes en vedettes des animaux. Pour chaque album vendu, c'est 1 euro qui sera versé au WWF. Boule et Bill illustrent eux aussi le concept du don-avec -achat, grâce auquel notre achat comprend un don à un organisme prédéterminé. Cette pratique connait actuellement une croissance impressionnante: de nombreux annonceurs faisant l'effort d'épouser une cause, soit parce qu'il existe une communauté d'intérêt avec elle, soit plus prosaïquement pour se donner bonne conscience auprès de ses consom'acteurs.

L'album offre aussi la possibilité aux enfants de calculer leur empreinte écologique.

Dans le cas de Boule et Bill, il est assez agréable de constater que mes héros d'enfance sont demeurés fidèles à leurs lecteurs en sachant s'adapter à leurs exigences d'enfants devenus adultes. Je faisais déjà l'effort de faire découvrir ces pans de mon enfance à mes propres enfants, mais maintenant que je sais que boule et Bill (ou plutôt les éditions Dargaud, je ne suis pas dupe...) partagent mes préoccupations environnementales, je n'aurais que plus envie de les soutenir et de les faire découvrir à mes enfants et leurs amis...

jeudi 3 janvier 2008

Les plus lus de la Fontaine de pierres en 2007

Pour commencer l'année, voici un palmarès des articles les plus lus de ce blog au cours de 2007, année de naissance de la Fontaine de pierres.

1- La tendance du shockvertising
2- Campagnes anti-tabac
3- On ne badine pas avec son karma
4- Les enfants soldats et le Darfour
5- Caricature de la philanthropie moderne
6- Calculer son empreinte écologique
7- Sur le don du sang
8- L'impact des campagnes sociétales
9- Un sac de merde pour sauver le monde
10- La tactique du pixel humanitaire


J'annonce aussi qu'il y aura des nouveautés en 2008. Les articles sur la philanthropie 2.0, sur le marketing sociétal, et sur des opérations offrant à chacun la possibilité de faire un geste pour améliorer le monde continueront d'avoir leur place ici.

Mais j'y ajouterai aussi mes "buzzwords" de la philanthropie.

Je continuerai d'essayer de trouver des exemples de ce qui pourrait être fait afin d'améliorer encore les résultats et les succès des ONG en m'inspirant de ce qui se fait ailleurs dans le monde.

J'observerai toujours attentivement ce qui se passe sur les réseaux sociaux en général et pour les ONG en particulier car tout ce que les nouvelles technologies peuvent apporter à la philanthropie m'intéresse au plus haut point. Ah oui, je suis également ouvert aux suggestions...

J'en profite aussi pour remercier de leur assiduité les lecteurs et les abonnés de ce blog. Au plaisir de vous revoir et d'échanger avec vous, virtuellement ou en chair et en os au cours de 2008.